Entretien avec Franck Zal, fondateur d’Hemarina, Vice-président d’Atlanpole Biotherapies et Président de Biotech Santé Bretagne
A la tête d’une société de biotechnologie qui développe des « transporteurs d’oxygène » extraits de vers marins et utilisés notamment dans les greffes d’organes, Franck Zal, vice-président du pôle, brigue un nouveau mandat au sein d’Atlanpole Biotherapies. L’un de ses objectifs est de faire bouger les lignes sur les questions de normes et réglementations dans le secteur de la Santé et éviter que le principe de précaution largement invoqué ces derniers temps nuise à l’innovation responsable.
Basée à Morlaix, HEMARINA est spécialisée dans l’extraction de molécules issues du ver marin arénicole. Ce sont en quelque sorte les ancêtres de nos globules rouges. Leur hémoglobine est quarante fois plus oxygénante que l’hémoglobine humaine. Comme chacun sait, l’oxygène est indispensable à tous les niveaux d’organisation de la vie, aux cellules, aux tissus, aux organes et à l’oxygénation d’un organisme dans sa globalité. Le premier produit développé par HEMARINA c’est HEMO2life® qui, répond aux problèmes d’oxygénation. En première intention destinée à la transplantation, elle cible désormais différentes applications et est utilisée comme une plateforme technologique.
La première application a effectivement ciblé la préservation du greffon. La greffe est une course contre la montre, un défi en termes de temps et d’oxygénation. Les pertes de greffons sont considérables, ce qui entraîne un allongement des listes d’attente pour les patients et malheureusement des décès.
« Avec notre technologie, on donne de l’oxygène physiologique au greffon et on lui fait croire qu’il n’est pas déconnecté de la circulation sanguine. Les résultats des essais cliniques montrent que cela fonctionne sur le rein. Une étude clinique est actuellement en cours sur 460 patients, dans l’ensemble des centres français de transplantation rénale » précise Franck Zal.
Ce produit, au stade d’enregistrement final auprès des instances règlementaires.
Une application dentaire :
L’entreprise cible également les pathologies dentaires, notamment les maladies parodontales. Dans ce cas, la molécule est façonnée dans un gel injecté dans la poche parodontale pour une destruction des bactéries. Ce produit « HEMDental-Care® », joue un peu le rôle d’un antibiotique mais en utilisant l’effet délétère de l’oxygène pour les pathogènes anaérobies. Les tests pré-cliniques sont en cours, et un essai clinique devrait avoir lieu d’ici un à deux ans.
La molécule semble également fonctionner pour les implants dentaires, évitant la destruction de l’os de la mandibule par des bactéries pathogènes et permettant une bonne ostéointégration de l’implant.
Les applications ne s’arrêtent pas là ! HEMARINA développe également des pansements oxygénants pour les plaies chroniques (escarres, grands brûlés…) afin d’augmenter la vitesse de cicatrisation. Leur molécule est aussi pertinente pour les maladies de type ischémiques (AVC, Infarctus…). De très petite taille, elle est capable d’oxygéner un tissu hypoxique, peut passer là où c’est impossible pour le globule rouge. Enfin, elle fait également sens dans des applications industrielles, pour la culture cellulaire notamment.
Votre rôle dans le pôle :
« Je suis Vice-président d’Atlanpole Biotherapies et ravi de l’être ! Je le suis sous deux casquettes : en tant qu’entrepreneur mais aussi en tant que Président de Biotech Santé Bretagne, le cluster breton en santé et biotechnologies qui est le relai du pôle en Bretagne. On est plus fort à plusieurs, et la voix porte plus loin, notamment en ce qui concerne les questions cruciales de souveraineté nationale en matière de santé, exacerbées par la crise sanitaire actuelle.
Le pôle est très actif sur les questions de financement des startups en santé mais un des axes sur lesquels je souhaite m’investir porterait sur des actions de lobbying positives concernant les sujets des normes et des règlementations dont certaines ne sont absolument pas adaptées à la réalité du terrain. »
Franck Zal regrette en effet les freins administratifs et règlementaires, et que ce fameux principe de précaution soit aujourd’hui antinomique avec le principe d’innovation responsable et qui est plutôt devenu au fil du temps la précaution comme principe.
« Les biotechs c’est une équation qui fait intervenir plusieurs paramètres une idée, une équipe, un environnement, des investissements et de la patience. On connaît les ARNm depuis plus de 40 ans et il a fallu cette pandémie pour que l’on s’en serve pour en faire des vaccins. L’innovation naît dans nos startups. Ce sont les petites entreprises qui sont agiles et innovent. Sur le sujet de la règlementation des dispositifs médicaux que je connais bien, nous avons complètement perdu notre autonomie. Les organismes notifiés qui certifient les produits de santé que nous développons sont stratégiques pour notre pays. Ils constituent un véritable tremplin pour l’accès au marché. Or la France en compte un contre six en Allemagne par exemple.
Nous avons la chance d’avoir des pouvoirs publics qui financent la recherche, via des outils comme le Crédit Impôt Recherche par exemple, un outil qui a même été copié par les Etats-Unis. Nous devons faire en sorte que les acteurs de terrains soient entendus et accompagnés pour mettre leurs produits sur le marché, car à quoi serviraient la mobilisation de tous ces moyens financiers et de cette capacité d’innovation française ? à en faire bénéficier d’autres pays à terme ? Ça serait du pur gâchis pour notre économie et pour notre souveraineté nationale. Il faut que l’Etat ait une vision sur du long terme et soutienne l’innovation d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur, de l’idée au marché. ».