C’est l’histoire d’une infirmière qui devint cheffe d’entreprise.
L’histoire d’une femme dont le parcours résonne comme le symbole d’une génération. Celle de femmes qui ont revendiqué leur droit à être légitimées à des postes à responsabilité, à affirmer leurs désirs et leurs ambitions.
Jeune, elle était infirmière, elle est la femme de Guy Daculsi, chercheur reconnu et à l’origine d’un substitut osseux synthétique compatible avec le corps humain. De cette découverte naitra Biomatlante, mais c’est Chantal Gobin qui en prend la direction.
Un tempérament de dirigeante
On ne vient pas rencontrer Chantal Gobin pour parler recherche ou pour parler sciences. Chantal est entrée dans le costume de dirigeante d’entreprise comme on entre en religion. Une foi tenace en l’humain, une vision pour l’entreprise et l’équipe qui l’entoure, la conviction que la peur n’est jamais une excuse, le risque pas une raison pour ralentir.
Chantal est une fonceuse, elle est de celles qui savent se saisir des opportunités. Le CHU et plus exactement le service de stérilisation sera son tremplin pour révéler son tempérament de manager d’équipe. Elle est de ces personnalités auxquelles on s’attache, on fait confiance et qu’on suit.
Et pourtant le chemin est parfois chaotique.
Infirmière et femme, quelle légitimité aurait-elle pour venir diriger une entreprise du domaine de la santé ? Il faut avoir les reins solides pour résister aux dénigrements de toutes sortes. Le monde de la recherche n’adoube les siens qu’au prix d’épreuves parfois bien injustes. Elle les passera toutes parce qu’elle a cette qualité qui met tout le monde d’accord, l’intelligence humaine et la modestie.
Gagner en légitimité
A l’origine de Biomatlante et de l’aventure entrepreneuriale de Chantal Gobin il y a donc cette découverte que l’on doit à Guy Daculsi, son mari, Directeur de Recherche INSERM avec le concours du Professeur Racquel Legeros de l’Université de New York. Ensemble, ils ont mis au point une formulation chimique originale en phosphate de calcium pour la réalisation d’os artificiel, un substitut osseux synthétique résorbable, se transformant progressivement en os naturel après implantation. Afin de valoriser ces travaux de recherche, Chantal Gobin va s’associer à deux chercheurs et travailler à la mise en œuvre d’un procédé industriel.
Mais la démarche est très mal acceptée par la communauté scientifique. C’est un véritable choc de culture. Ce malentendu n’aide pas Chantal jeune dirigeante de la startup, à être reconnue et légitimée par la communauté scientifique. 1995, Biomatlante est née.
Le chemin est semé d’obstacles, trouver des financements, monter en compétences. Pour répondre aux besoins de la société, Chantal se forme, chimie, qualité, aspects réglementaires, administrateur, dirigeant de société, autant de formations qui viennent compléter son bagage initial en hygiène et stérilisation. Des connaissances qui faciliteront la mise sur le marché du produit.
L’entreprise se développe dès l’origine à l’international et trouve ses principaux marchés à l’export. Démarche qualité, certification, marquage CE, Chantal essuie les plâtres pour faire grandir Biomatlante avant même la loi sur la recherche et l’innovation de 1999.
Un premier salarié, puis 2 puis 3… et Chantal s’attache à tous les accompagner dans leur parcours au sein de l’entreprise afin de leur permettre de grandir. « Si on fait confiance aux salariés, ils développent de nouvelles compétences et l’entreprise ne s’en porte que mieux » explique t-elle. Des années plus tard, certains d’entre eux lui écrivent encore, reconnaissants de ce qu’ils ont appris chez Biomatlante, une véritable entreprise-famille.
« Ce qu’il faut plus que tout quand on est entrepreneur, c’est la qualité humaine, l’intelligence relationnelle. Et puis, ne pas avoir peur du risque, toujours aller de l’avant, ne rien lâcher ! »
Un credo que Chantal a plus qu’expérimenté. Être une femme entrepreneure dans un milieu d’hommes n’a rien de facile. Et plus que tout autre, il lui a fallu faire ses preuves afin d’imposer l’évidence de sa légitimité.
Accompagnée par Atlanpole en partie sur le financement et business plan de Biomatlante, elle s’engage en 2005 dans la mise en place du pôle de compétitivité Atlanpole Biotherapies dont elle est membre du CA. Cet accompagnement lui permet de prendre du recul, de dépasser la solitude du dirigeant et de participer à des projets de R&D labellisés par le pôle.
Depuis le 30 novembre 2019, la société est vendue et Chantal Gobin, qui est aussi mère de trois enfants, profite de sa retraite. En guise de message aux générations futures de femmes qui s’engageraient dans l’aventure entrepreneuriale, Chantal rappelle : « Je suis d’une génération charnière, pour laquelle la femme était théoriquement formée pour être mère au foyer. Mais nous avons toute notre place, toute notre légitimité. Chaque personne, femme ou homme, devrait pouvoir accomplir ce qu’elle envie d’accomplir sans considération de son genre ! »
Mai 2023, Monsieur Jean-Marc Ayrault, ex-premier Ministre, remet à Chantal Gobin le titre d’Officier de la Légion d’Honneur. Une reconnaissance qu’elle partage avec tous ces compagnons de route. « À travers moi, on est tous reconnus » sourit-elle.