Actualités

Rencontre privilégiée avec Franck Le Ouay, fondateur de Criteo et d’Honestica

1 décembre 2015

franck-le-ouayLe vendredi 6 novembre dernier, Atlanpole a organisé une rencontre exceptionnelle entre Franck Le Ouay, fondateur de Criteo et d’Honestica, et des entrepreneurs atlanpolitains. Après avoir fait de Criteo une société valant plus de 2 milliards de dollars, Franck le Ouay s’attaque à un autre Everest : faire basculer le monde de la santé dans le digital. « Honestica ambitionne de créer une plateforme numérique où médecins et patients pourront en toute confiance stocker, partager puis analyser les données médicales ». Retour sur cette rencontre qui a permis aux participants de mieux comprendre la recette d’une success-story comme Criteo, les enjeux que représente la maîtrise des Big Data ainsi que le potentiel que réserve le croisement des technologies numériques et du secteur de la santé.

 

La génèse de Criteo : on est encore loin de la succes-story

Franck Le Ouay est ingénieur informatique issu de l’Ecole des Mines. Il a travaillé aux États-Unis pour le département R&D de Microsoft, puis a souhaité lancer avec un ami une activité basée sur des algorithmes prédictifs. C’est grâce à l’incubateur Agoranov (incubateur parisien membre du réseau RETIS, comme Atlanpole), « un endroit plein de startups », qu’ils ont constitué l’équipe de départ. « C’est grâce à l’incubateur qu’on a rencontré le 3eme larron. Il venait présenter son projet, sensiblement identique au nôtre. On s’est dit que c’était idiot de démarrer deux projets concurrents et on a préféré s’associer. » Criteo est alors fondé à Paris en 2005 par Jean-Baptiste Rudelle, Franck Le Ouay et Romain Niccoli.

« Pendant 4 ans on a galéré, on a cherché ce qu’on appelle le Product Market Fit. On avait la technologie, des algorithmes prédictifs intéressants, on avait des clients,… mais la valeur générée n’était pas extrêmement forte. Notre premier client historique était AlloCiné. On proposait aux internautes de voter pour leurs films préférés et on pouvait alors prédire les films qu’ils aimeraient. Cela générait 2000 euros par mois, mais il n’y avait pas beaucoup d’AlloCiné en France. L’activité n’était pas rentable. On a donc réalisé plusieurs pivots, c’est-à-dire orientations de la stratégie, et on s’est orienté petit à petit vers les sites de e-commerce ». Le Product Market Fit est une notion bien connue par les start-ups. Tant que vous ne l’avez pas trouvé, toute votre énergie doit être tournée vers cet objectif. On ne peut faire croître une entreprise tant qu’elle ne rencontre pas son marché. Ce n’est pas au marché de s’adapter à votre offre, mais à vous de comprendre profondément les besoins de votre segment d’utilisateurs avant d’accélérer.

Criteo se lance dans la recommandation personnalisée pour les sites de commerce électronique, avant de s’orienter vers le ciblage publicitaire. Le tracking et l’analyse du comportement de l’internaute permettent de deviner ses envies et prédire ses achats. L’algorithme mis au point par la société tente de prévoir les intentions d’achat des internautes à partir de leur historique de navigation, ce qui permet d’afficher des publicités ciblées.

« La performance du système permet de faire fois 10 en terme d’efficacité : on attire sur les sites e-commerce 2 fois plus de gens qui achètent 5 fois plus. Tout est mesurable. Cela a rendu rentable une activité qui ne l’était pas avant ». Criteo devient rentable à partir de 2009.

 

Le déploiement international de Critéo, pas un long fleuve tranquille

« On nous disait : allez en Angleterre ! En réalité c’est un marché hyper dur, ultra compétitif. Vous y trouvez non seulement toutes les startups anglaises, mais aussi les nord-américains qui viennent tester le marché européen, ainsi que les européens qui y viennent avant d’attaquer le marché nord américain… On nous avait dit : n’allez surtout pas en Allemagne. En fait ça a été beaucoup plus facile. Les allemands sont carrés. C’est simple, une fois qu’ils ont dit oui c’est oui.On nous avait dit : n’allez surtout pas aux US, une petite boîte française n’a aucune chance. En réalité si votre offre apporte une valeur, vous êtes écouté. »

 

Un milliard de chiffre d’affaires, et beaucoup de données

Criteo continue à connaître une forte croissance. Elle est cotée au NASDAQ depuis octobre 2013 . « En chiffres, cela donne plus d’un milliard d’euros de CA en 2015, 100 milliards d’enchères par jour, 15000 serveurs, 35 peta octets de données… » (c’est-à-dire beaucoup).

Ces données sont une des forces de Criteo. Ces big data rassemblent des données de produits et de clients mais surtout des données d’expériences et énormément de signaux diffus. Le système enregistre tous les comportements de l’internaute. Ce système de machine-learning auto apprenant est plus performant que l’humain. « L’humain est très bon pour raisonner avec un faible nombre de dimensions, mais si vous avez 200 dimensions, l’algorithme sera toujours plus performant. Quelque soit l’intuition humaine, l’algorithme gagne toujours ».

 

De la publicité à la santé, « un Everest à gravir »

A partir de 2013, Criteo est côté au Nasdaq et connaît un déploiement plus aisé. « On avait trouvé un rythme de croisière, le plus dur était sans doute derrière nous. J’ai alors eu besoin de me lancer dans une nouvelle aventure. Ce sera les données de santé ».

Franck Le Ouay lance Honestica, une plateforme qui permettra aux médecins et patients de stocker et partager leurs données médicales, pour faciliter le suivi des traitements. « je suis conscient que c’est un Everest à gravir. Beaucoup de gens avec beaucoup de bonnes volontés se sont plantés ». Le défi à relever est énorme car les systèmes d’information, et donc de remontées de données, sont aujourd’hui inexistants ou pas intéropérables. Un autre enjeu de taille est également celui de la confiance que les patients comme les professionnels de santé voudront bien accorder à cette plateforme.

 

Franck Le Ouay évoque des milliards d’économie pour le système de santé.

« Le sujet est la communication entre les professionnels de santé. Les médecins communiquent très mal et avec des outils peu adaptés. L’objectif est de structurer les données, les mettre en forme, les partager. » Honestica pourrait par exemple à terme fournir à chaque patient un carnet de santé en ligne qui réunirait historique des visites chez le médecins, et compilerait ordonnances et résultats médicaux (sanguins, urinaires, radios…). Autant d’informations qui, accessibles au sein d’une même plateforme, permettraient de faciliter le suivi des soins d’un praticien à un autre, entre généraliste et spécialiste notamment, ou au gré des déplacements géographiques du patient.

Comme avec Criteo, Franck Le Ouay voit grand. S’il annonce une première version de la plateforme pour le 1er semestre 2016, Franck Le Ouay se donne plusieurs années pour investir en R&D et concevoir le standard qui sera demain incontournable pour l’ensemble du secteur de la santé. Par ailleurs, la plateforme pourrait aussi se positionner du côté de l’analyse massive de données médicales et venir alimenter la recherche clinique sur un grand nombre de sujets.

 

Cette rencontre a été possible grâce à l’entremise de Pierre-Antoine Gourraud, chercheur en bio-statistiques et génomique récemment arrivé à Nantes qui était auparavant Professeur à l’université de Californie à San Francisco.

 

En savoir plus sur Honestica